• 2 - Samedi 9 mai 10 hr 00 Narbonne

     ATELIER PHILO La folie

     Déplacement à Narbonne...

    Départ covoiturage 08hr30 devant la mairie Argeles

     

     Chers participants de l'Atelier Philo,

    Nous avions évoqué (et souhaité ) la possibilité de rencontres avec d'autres Universités Populaires; l'invitation faite par l'Atelier Philo du Narbonnais, animé par Michel Tozzi, est l'occasion de travailler en partenariat .
    La réunion aura lieu le 9 Mai à Narbonne, et aura pour objet d'étude : "La Folie" 
    En attendant, prenez connaissance des textes et interventions déjà écrits à cet effet.

    La tradition se perpétue!

    L'Atelier Philo de l'UP de Narbonne invite ceux de Perpignan et d'Argelès à partager Samedi 9 Mai un moment de convivialité sur le thème de la Folie .

    Texte l'UPPM 9-05-15

    La folie le 9-05-15

    Plus on est de fous et … moins on est de fous, tant on se rapproche de lanorme!!! La folie est cette notion imprécise, fluctuante, qui évoque immédiatement l'insensé, la déraison, le défi à la norme.

    Il n'y a pas de société sans règle, donc sans contrainte; et il y aura forcément des individus qui n'obéissent pas au système de contraintes. Si la contrainte était acceptée par tout le monde, serait-elle encore une contrainte? Il ne peut y avoir de société sans marge et c'est dans ces marges que le fou va se présenter.

    Sur l'échiquier de la société, le fou prend la diagonale!

    Au Moyen-Âge cette déraison fascine par l'énigme qu'elle est censée receler. A partir du XVII°siècle, cette norme sociale est vécue à la fois comme nature et raison. La folie, comme l'a montré Michel Foucault (Histoire de la folie à l'âge classique) devient objet d'exclusion: les fous sont, avec les déviants de toutes sortes, enfermés dans des asiles. Vers la fin du XVIII° siècle, la folie se médicalise. Elle est aujourd'hui pensée en terme de maladie mentale et la notion de maladie permet de faire entrer l'esprit dans le corps. La maladie mentale «est un corollaire de l'idée d'individu» ajoute H.Ey.

    Voltaire constate qu'« elle est une maladie des organes du cerveau qui empêche un homme de penser et d'agir comme les autres. Ne pouvant gérer son bien, on l'interdit; ne pouvant avoir des idées convenables à la société, on l'exclut; s'il est dangereux on l'enferme; s'il est furieux, on le lie.»

    Un mouvement contemporain comme l'anti-psychiatrie a pu ainsi reprocher à cette médicalisation d'être, pour la folie, un enfermement plus terrible encore car celle-ci n'existe plus comme expérience originale et porteuse de sens.

    La pensée de Freud incarne sur ce point l'ambiguïté du statut moderne dela folie à la fois pathologie qu'il faut guérir, et langage, certes chiffré (l'inconscient) mais commun à tous. Où passe le partage entre fureur et furieux, normal et folie, inné et acquis? Relève-t-elle de la décision, de l'expression d'un choix existentiel? Si Simone de Beauvoir lui accorde une dignité métaphysique comme refus et dépassement de la nature humaine, Sartre la condamne en accusant les fous d'être des menteurs( Le Mur). S'il y a «des fous authentiques» ajoute t-il «des fous malgré eux, alors il y a des consciences privées de liberté.» Se manifeste-t-elle contre ou malgré l'individu? Ou est-ce l'individu qui la développe? Est-elle temporaire, transitoire?

    La folie, ce trouble des fonctions psychiques, est bannie de la psychologie à cause de sa résonance péjorative et remplacée par maladie mentale. La démence est l'aboutissement des maladies mentales. Le mot démence vient de dementia qui veut dire folie, mais aussi extravagance construit de de (privatif) et mens qui est l'esprit, l'intelligence.

    Que dire alors de la folie des Van Gogh, de Gérard de Nerval, ou encore de Don Quichotte ? Qu'elle est multiple? Que la folie est la toute puissance des idées qui s'associent comme elles veulent?

    Ce qu'il est important d'observer, c'est que cet homme, ce fou, n'est point dépourvu d'idées. Il en a comme les autres pendant la veille et pendant son sommeil. Comment à partir de toutes ces idées il ne porte pas un jugement, selon les chrétiens, sain? L'assemblage a l'extravagance sans pouvoir s'en dispenser.

    Pourtant la Pythie de Delphes peut dévoiler l'avenir parce qu'elle se met dans un état modifié de conscience qui lui permet d'avoir accès à des vérités inaccessibles par la seule raison.

    La folie est-elle la condition nécessaire à toute création artistique? Cette réflexion peut nous faire penser que la faculté de penser donnée de Dieu à l'homme est sujette au dérangement comme les autres sens. Selon Phèdre serait-elle une maladie divine, qui fait rompre avec habitudes et usages?

    Selon Derrida, la folie n'est pas exclue: «elle est le fond sur lequel se détache la forme du langage, l'adversaire contre lequel le discours doit trouver une assurance.» L'essence du langage serait de rompre avec elle en se mesurant avec elle, près d'elle. Mais si folie et valeur littéraire ne s’excluent pas, comment alors éclairer leurs rencontres ? Tout énoncé est un compromis: le fou littéraire ne passe pas de compromis avec la langue. L'écrivain, même s'il prend des risques avec le langage conserve la maîtrise: c'est lorsqu'il cède à cet excès, qu'il devient un fou littéraire.

    La folie: est-ce un dépassement? Erasme, le grand humaniste en a fait l'éloge, vanté les vertus de la passion allant au bout des choses et donné à la folie le sens d'un don de soi... ou un excès, une démesure, comme le pensaient les Grecs qui ont préféré à la démence l'attitude de l'homme cherchant à vivre raisonnablement. Elle n'existe que dans une société...et par rapport à elle.

    La folie est par essence ce qui ne se dit pas: la raison lui a toujours dénié la parole; la folie ne peut pas plus avoir d'histoire car l'histoire se range forcément du côté de la raison. Seul, le bouffon du roi peut et doit jongler avec cette parole folle qui est «institutionnalisée». Elle est la maladie d'une liberté qui ne trouve plus son sens et sa justification dans une extériorité divine. Là où on voyait une âme possédée par le démon, il a fallu un corps et la notion de maladie pour faire entrer l'esprit dans le domaine du corps. Elle fait de la conscience un paysage dévasté.

    Nietzsche, penseur de l'extrême, annonçait tout haut que jusque là les philosophes étaient platoniciens, idéalistes, dégoulinant de morale et de religion et que ça aller changer: sa pensée a-t-elle été capable de résister à ce que qu'il a essayé de penser? De cette pensée qu'il concevait comme une expérimentation, dangereuse, il aura été la première victime, un aliéné (du latin alien, qui veut dire autre) un étranger à soi-même.

    La sagesse séduit peu la jeunesse. Erasme a écrit de bien belles pages dans son «Eloge de la folie» pour détourner la jeunesse de la fatale séduction des sages: «haïssable, l'enfant qui est sage trop tôt». Le sage n'est qu'un rabat-joie. La folie n'est-elle pas là pour réapprendre à l'être humain mûr de«radoter»? Il n'y a pas de génie sans un grain de folie, pourrait conclure Aristote.La société en marginalisant la folie ne se prive-t-elle pas d'idées originales voire novatrices? Que reste-t-il des écrits des fous? La folie n’est-elle pas nécessaire à décadenasser les maillons de la conformité... sans dériver à l'extrême, que l'actualité illustre, où c'est la raison que l'on condamne et que l'on attaque. N'avons-nous pas connu dans nos villages des personnes folles qui étaient prises en charge par la communauté?

    Toutefois, une question nous tourmente: selon la célèbre «formule» de Descartes - «je pense donc je suis» - peut-on ne pas être pensée? Est-ce que la véritable nature du sujet est en deçà de la projection des pensées? Le fou écoute-t-il ses pensées ou renie-t-il son identité? Le fou qui prétend être fou, ...l'est-il?

    Nous conclurons par cette phrase d'un participant, qui montre comment on est traversé par les idées: 'le fou, cet étranger, en quête d'une terre d'asile(s), en voie de « raisonnance ».

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    Ci dessous le compte rendu de l'atelier de Narbonne du 4-04-2015

     Université Populaire de la  Narbonnaise (UPN)

     Site de l’UPN : http://upnarbonnaise.unblog.fr/

    Site du café philo : http://cafephilo.unblog.fr/

    Site de Michel Tozzi : www.philotozzi.com

    Mail de Michel Tozzi : michel.tozzi@orange.fr

    Revue de didactique de la philosophie Diotime :

    www.educ-revues.fr/diotime/

     

    PÔLE PHILO

    ATELIER DE PHILOSOPHIE POUR ADULTES (2014-2015)

    (11e année)

     

    Séance 8 du 4-04-2015        9h30-12h15

    (Nombre de participants : )

     

    La folie

     

    Animation - reformulation : Michel Tozzi

    Introduction : Gérard Gélis

    Présidence de séance : Francis Rennes

    Synthèse écrite de la discussion :

    Saisie des textes des participants : Jean-François Burghard

     

    I) Introduction (Gard)

                                

    " Le fou a tout perdu, sauf la raison" disait un psychiatre. Mais elle tourne à vide: elle a perdu le sens du réel. Le délire paranoïaque, par ex, peut être cohérent ( ce n'est pas un hasard si Freud compare les systèmes philosophiques à des paranoïas réussies): mais il est fermé sur lui-même au lieu d'ouvrir sur le monde. C'est une leçon pour la philosophie: la pensée n'échappe à la folie que par son dehors, qui est le réel ou la pensée des autres. Ce qui n'est vrai que pour toi ne l'est pas   » ( André Comte Sponville).

     

    Nous appelons folie cette maladie des organes du cerveau qui empêche un homme nécessairement de penser et d'agir comme les autres. Ne pouvant gérer son bien, on l'interdit; ne pouvant avoir des idées convenables à la société, on l'en exclut, s'il est dangereux, on l'enferme,s'il est furieux on le lie (Voltaire).

     

    Je ne suis sortie ni du chaos, ni des enfers; je ne dois le jour ni à Saturne, ni à Japet, ni à aucune autre de ces vieilles divinités de rebut. C'est Plutus (la Richesse) qui fut mon père, n'en déplaise à Homère, à Hésiode, et au grand Jupiter lui-même, ce Plutus est le père des dieux et des hommes. Il m'a donné pour mère Néotète( la Jeunesse), la plus jolie, la plus gaie, la plus égrillarde de toutes les nymphes,  ancêtres des fées. Le lieu où je suis née n'est l'île flottante de Délos, ni sur les vagues  de la mer, ni dans les cavernes profondes.J'ai vu le jour dans les Fortunées, pays charmant où la terre sans être cultivée, produit d'elle-même les plus riches présents. Le travail, la vieillesse, les maladies n'approchèrent jamais de ces campagnes heureuses. Le Moly, la Panacée, le néphentès,la marjolaine, les roses,les violettes, et les hyacinthes y charment de toutes parts l'odorat et la vue et font de  ces lieux charmants des jardins mille fois plus délicieux que ceux d'Adonis.Née au milieu de ce séjour enchanteur, ma naissance ne fut point annoncée par mes larmes; dès que je fus au monde, on  me vit sourire gracieusement à ma mère. J'aurais grand tort d'envier à Jupiter le bonheur d'avoir été allaité  par une chèvre, car les deux plus gracieuses nymphes du monde, Méthé( l'ivresse), fille de Bacchus, Apoedie( L'ignorance), fille de Pan, furent mes nourrices.Elles sont parmi mes compagnes et mes suivantes.A ce propos il faut que je vous les fasse connaître. Celle qui vous regarde d'un air arrogant, c'est l'Amour-propre. Cette autre, qui a le visage gracieux et les mains toutes prêtes à applaudir est la Flatterie. Ici vous voyez la déesse de l'Oubli, plus loin la Paresse a les bras croisés et s'appuie sur ses coudes. Ne reconnaissez-vous pas la Volupté à ses guirlandes, à ses couronnes  de roses,et aux essences délicieuses dont elle est parfumée?  N'en voyez-vous pas une qui promène de tous cotés ses regards  effrontés et incertains? C'est la Démence. C'est autre dont la peau est si luisante, le corps si gras, si potelé, c'est la déesse des  Délices. Mais vous apercevez deux dieux parmi toutes ces  déesses. L'un est Comus et l'autre Morphée. C'est par le secours de ces serviteurs fidèles que je soumets à mon empire tout ce qui existe dans l'univers; c'est par eux que je gouverne ceux qui gouvernent le monde (Erasme, Eloge de la folie)   ;

     

    Le mot fou avec ses équivalents( mad en anglais, loco en espagnol, wahnsinnig en allemand) peut désigner dans le langage courant la plus grande déficience mentale comme de simples passions dont le fou peut rester maître. Si je dis "Je suis fou de joie" je signifie simplement que je suis trés joyeux: le mot fou joue le rôle d'indicateur d'intensité. La joie est si grande qu'on peut la qualifier d'intensité de folle et de folie. "Je suis fou du chocolat Lanvin" Dali joue ici de l'ambiguité car dans le langage ordinaire fou ne désigne pas la démence, l'aliénation, il s'applique à une passion, au sens de ce qui est subi: sensation, satisfaction des désirs, sentiment de l'autre. L'amour fou est un

    pléonasme.

     

      " Ce qu'il vous faut mais c'est être fou

         Fou de la vie fou de ses chemins

         Ce qu'il vous faut ne penser à rien

          Afin de pouvoir jour et nuit rester fou"  (Jacques Brel   : Ce qu'il vous faut)

     

    Ces expressions cachent cependant une origine plus inquiètante. L'allemand "wahnsinn" correspond en français à "insensé" qui signifie pareil que "forcené"(fors sené) sorti du sens, de la raison. Une manière de dire"fou de joie"est en russe "vné cibya ot radosti" être hors de soi à cause de la joie. Cette expression se décline pour  toutes les passions. Être hors de soi, avoir quitté son esprit, être malade mental, en psychiatrie est appelé aliéné( alienus signifiant  étranger à soi, devenir autre). La plupart de ces expressions désignant des excès en apparence inoffensifs,expriment un principe du droit pénal: la personne médicalement reconnue impuissante face à elle-même, ne s'appartenant plus, n'est plus responsable de ses actes. Avoir l'esprit dérangé nous emporte jusqu'à la déraison.

     

    "Eprouver à l'égard d'une chose quelconque des passions plus fortes et plus véhémentes qu'on en voit généralement chez les autres hommes, c'est ce qu'on appelle folie. De celle-ci il y a presque autant d'espèces qu'il en est de passions elles-mêmes" (Thomas hobbes, Léviathan).

     

    On attribue la folie à des lésions physiques avec une interprétationpsychologique et existentielle de la folie et une interprétation physiologique: la psychanalyse et la neurologie se disputent ce qui est appelé psychose, sans toucher à l'unité du concept.

     

    "Quelquefois une passion exceptionnelle et fantasque procède d'une mauvaise constitution des organes du corps, ou d'un dommage qui leur est causé; quelquefois aussi la lésion ou la mauvaise disposition des organes est causée par la véhémence ou par la longue durée de la passion.Mais dans les deux cas la folie est d'une seule et même nature" (Thomas hobbes, Léviathan).

     

    Pour expliquer qu'une passion arrache un être humain à la réalité qui l'entoure, Hobbes évoque aussi l'ivresse "que la folie ne soit rien d'autre qu'une passion qui se manifeste avec excès cela ressortit des effets du vin, qui sont les mêmes qu'une mauvaise disposition des organes"

    L'emportement d'une faculté considérée comme saine et qui s'exprime par un excés quantitatif peut conduire à un changement qualitatif. Dire "il est fou" est une caractéristique qualitative et stigmatise la différence, la singularité, l'altérité. Alors on ne parle plus de facultés saines qui seraient portées à  l'excès, mais d'une différence qualitative dans le fonctionnement de l'esprit qui implique une altérité radicale: maladie mentale, psychose. Mais ce dont on est fou par excès quantitatif serait susceptible d'engendrer la folie qualitative.

     

    L'amour rend fou; c'est un des thèmes du roman. Dans Splendeurs et misères des courtisanes de Balzac, après le  suicide de Lucien de Rubempré à la conciergerie, Madame de Sérisy frise la folie, parce qu'il s'est suicidé sans lui avoir témoigné l'amour exclusif qu'elle souhaitait. Une lettre posthume du défunt lui rend la raison.

    Ce dont on est fou emporte à tel point l'esprit qu'à moins d'une très grande force d'âme, on devient fou. Le contrôle de soi dans l'excès et le symptôme pathologique s'accomodent du même signifiant : un fou rire est irrépressible, un rire fou est un symptôme. Quand les normes sont strictes, précises, toute anomalie de comportement passe pour folie. C'est le désordre des mouvements

    contrastant avec l'ordre, avec la tenue, avec la cohérence, qui caractérise la folie.

    Donc folie s'oppose à raison. Les fous sont des êtres humains dont les actions, les pensées ne sont plus conduites par la raison, mais attention un être qui a toute sa raison peut feindre la folie et tromper les psychiatres (Vol au-dessus d'un nid de coucou) le personnage principal choisit de se faire enfermer afin d'éviter une peine de prison.

     

    Cette irrationalité est désignée en psychiatrie par le terme:fou à lier. Ces agités sans raison n'ont plus aucune forme humaine. C'est pourquoi pendant longtemps on a pu croire les fous possédés du démon.L'Eglise catholique pratique encore l'exorcisme. Au contraire à partir de la renaissance, et surtout à partir des lumières on a voulu voir dans la folie une maladie comme les autres, relevant des soins médicaux.

    " Un fou est un malade dont le cerveau pâtit, comme le goutteux est

    un malade qui souffre aux pieds et aux mains" (Voltaire).

                                                                                         

    Pour Michel Foucault «   le fou c'est l'autre par rapport aux autres : l'autre, au sens de l'exception parmi les autres, au sens de l'universel   ».

    Toute forme de l'intériorité est maitenant conjurée: le fou est évident, mais son profil se détache sur l'espace extérieur; et le rapport qui le définit, l'offre tout entier par le jeu des comparaisons objectives au  regard du sujet raisonnable.

    Le fou devient objectif, armé de ses pouvoirs dangereux: lui qui, dans la pensée de la renaissance, figurait la présence proche et périlleuse, au coeur de la raison, d'une ressemblance trop intérieure il est maintenant repoussé à l'autre extrémité du monde, mis à l'écart et maintenu hors d'état d'inquiéter, par une double sécurité, puisqu'il représente la différence de l'autre dans l'extérioité des autres.

    Pour Descartes, un rêveur outre qu'il dorme, est tenu pour sain d'esprit quelle que soit l'absurdité, la déraison de ses songes. Il semble pendre la folie comme une autre nature; elle n'a pas de remède, et cette idée fut longtemps soutenue.

     

    "Un jour, j'ai entendu un érudit dire: tous maux ont un remède, sauf la déraison. Réprimander un insensé qui s'obstine ou prêcher un sot, c'est comme vouloir écrire sur la surface de l'eau. Le  Christ a guéri des aveugles, des infirmes, des paralytiques, et des lépreux. Mais les fous, il n'a pu les guérir" (Habil Gibran).

     

    Au 17° siècle, un fou était appelé volontiers, un démoniaque ou un énergumène( un être mû par des esprits). En italien, le fou est le  pazzo mais aussi le spiritato.Un esprit est en lui; il est littéralement in-spiré. La pensée désordonnée qui caractérise le fou et qui se traduit par des actes d'où l'ordre et la raison sont absents le rend capable de toutes les transgressions. Imprévisible, dangereux il inspire la méfiance aux sains d'esprit; " Jamais auprès des fous ne te mets à portée"dit une fable de la Fontaine. De cette peur vient la tendance, à l'époque où s'instaure le culte de la raison, à l'enfermement des fous.

    Chez Cervantes et Shakespeare, la folie occupe toujours une place extrême en ce sens qu'elle est sans recours. Rien ne la ramène jamais à la vérité ni à la raison. Elle n'ouvre que sur la déchirure et de là sur la mort. La folie en ses vaines paroles, n'est pas vanité; le vide qui l'emplit " c'est un mal au-delà de ma pratique" comme le dit le médecin à propos de Lady Macbeth; C'est déjà la plénitude de la mort: une folie qui n'a pas besoin de médecin, mais de la

    seule "miséricorde divine" (Macbeth, acte 5).

     

    C'est aussi le fou qui figure au revers du jardin des délices. Autre symbole du savoir, l'arbre (l'arbre interdit, l'arbre de l'immortalité promise et du péché) jadis planté au coeur du paradis terrestre, a été déraciné et forme maintenant le mât du navire des fous tel qu'on peut le voir sur la gravure illustrée de Josse Bade; c'est lui, sans doute, qui se balance au-dessus de la "Nef des fous" de Jérome Bosch traversant un paysage où tout est offert au désir, une sorte de paradis reconstitué.

     

    Chez Montaigne et Charron on a ce mouvement d'insertion de la folie dans la nature même de la raison, se dessiner la courbe de la réflexion de Pascal: " Les hommes sont si nécessairement fous que se serait être fou par un autre tour de folie de n'être pas fou".

     

    L'enfermement des fous , connaît depuis le milieu du 17° siècle une brusque croissance: en 1657, on enferme près de 1% de la population parisienne dans un but à la fois d' assistance et de répression. Cette contagion de la folie devient un thème social dès lors que la folie se trouve être synonyme de déraison.

    Michel Foucault décrit la période moderne, qui face à son impuissance à soigner la folie, transforme le fou de malade coupable qu'il était dans la période classique, en malade objet. La négativité de la folie est maintenue comme une déviance. Est fou celui dont l'esprit s'isole sans possibilité de partage avec autrui.

    Michel Foucault signale que la psychanalyse ne peut pas, ne pourra pas entendre les voix de la déraison, ni déchiffrer pour eux-mêmes les signes de l'insensé.La psychanalyse peut dénouer quelques unes des formes de la folie; elle demeure étrangère au travail souverain de la déraison.Depuis la fin du 18° siècle, la vie de la déraison ne se manifeste plus que dans la fulguration d'oeuvres comme celles de Hörderlin, Nietszche, Beaudelaire, Rimbaud, Nerval, Artaud, Genet,etc...

     

    L'enfermement des fous se fait et s'organise dans des cliniques psychiatriques appelées "maisons de santé" autrefois appelées "maisons de force". La plus célèbre a existé au 19° siècle sous l'invariable appellation de "maison du docteur Blanche". De la fondation de la clinique par Esprit en 1821 à la mort de son fils Emile en 1893, les Blanche ont prodigué soins ou conseils à beaucoup de patients devenus amis ou l'inverse. Ils se nommaient Gérard de Nerval, Charles Gounot, Marie d'Agoult, la comtesse de Castiglione, les Halévy, Théo Van-Gogh, Guy de Maupassant. En 1841, à peine remis d'une méningite, entre un malade nommé Gérard de Nerval à la maison d'Esprit Blanche comme "maniaque". Il va y rester huit mois, subissant ce qu'il appelle le"joug assez dur" du médecin, qui commence par lui mettre les fers et la camisole pour calmer sa fureur. On ne le laissera rejoindre les pensionnaires libres qu'une fois qu'il aura reconnu formellement avoir été fou. Il obtempère par nécessité, mais proteste en privé. Au mot de folie, il préfère celui de "rêve éveillé", car là où la médecine voit rupture, fracture, Nerval voit continuité entre la réalité et l'imaginaire, deux mondes infiltrés et reliés par le rêve.

     

    Là où le medecin distingue l'homme normal du fou, Nerval considère un seul individu, le poète, rêveur clairvoyant, qui passe sans encombre d'un univers à un autre. Nerval "ce poète qui fut toujours lucide" dit Beaudelaire. Pendant cette période il fut d'une exceptionnelle création. La folie stimule-t-elle la création? La création rend-elle fou? Questions éternelles et inévitables qui ressurgissent en 1853 lorsque Nerval, en proie à une "fièvre aliénante"retourne à la maison Blanche (Comme quoi les fous peuvent diriger un pays à l'exemple de Bush). Emile qui a succédé à Esprit, le ramène, entre deux crises,  dans le monde des vivants. Il l'autorise à recevoir des amis mais aussi à écrire. Il va y créer le fameux poème" EL desdichado" qui ouvrira, plus tard , le recueil des "Chimères".

     

                       "Je suis le ténébreux- le veuf-l'inconsolé,

                         Le prince d'aquitaine à la tour abolie:

                         Ma seule étoile est morte,- et mon luth constellé

                         Porte le soleil noir de la mélancolie".

     

    En octobre 1854, Nerval obtient sa libération de l'asile, contre l'avis du docteur Blanche. Il récuse toujours le mot de folie. Le 26 janvier 1855 on le retrouve pendu rue de la vieille-lanterne à Paris.

    A partir de la seconde moitié du 19° siècle les médecins aliénistes ont observé  le langage des aliénés comme premier symptôme avec le comportement, de diagnostic de la santé mentale ou non de leurs patients. Dans la perspective le signe fait symptôme et vaut comme miroir du dedans, à savoir comme le reflet d'une intériorité psychique.

    J'aurais pu prendre les écrits d'Artaud comme exemplaires de ce symptôme, mais ceux du suisse samuel Daiber interné psychiatriqueentre 1948 et 1982 qu'il a adressés à son psychiatre sont conservés à Lausanne à la collection de "l'art brut" ne sont pas dénués d'un certain humour.

     

    "Veuilladez me délivrançader ma respiradée, ma pensadée, ma voixadée de tout bllous et à distance à travers les fenèstres au dehors et jusqu'aux habitations que l'on voit à distance, de tous les bllous: cela donne lieu à des persécutionnadements. Cela exténuade".

     

    II) Synthèse de la discussion ()

     

    III)  Régulation et décisions pour la suite

     

    Les propositions pour la suite     : 

    9 mai : rencontre avec les ateliers philo de Perpignan et d'Argeles à Narbonne sur le thème de la folie.

    13 juin : Le phénomène sectaire (Daniel)

    Autres propositions - La décadence – La place de la pensée dans la société – Les enfants dans la société – La notion d’institution – Libéral, libertaire, libertarien

     

    Annexe - Textes de participants

     

    Tous fous, mais de quoi  ?

    Dans cette question, il n'y a pas les fous et les autres.

    Si nous sommes tous fous, qu'est-ce que la folie  ?

    La thèse du «  tous fous  » critique deux distinctions  classiques :

        l'opposition sain/pathologique  ; alors que fou habituellement = anormal (hors moyenne, minoritaire  ; et pathologique), ici la pathologie est la norme  ;

        l'opposition individuel/collectif  ; alors que fou habituellement = posture d'un individu transgressant les normes sociales, déviant (dissidence politique), marginal (petit nombre),  anticonformiste (artistes), ici la folie est collective, partagée, commune, et non l'exception, le dérèglement de la norme saine...

    Dans cette thèse, la folie n'a pas (seulement, exclusivement) sa source dans l'individu  : la malédiction divine jetée sur lui (le possédé du démon), les gênes (biologie), ou l'histoire familiale (psychologie)  ; mais elle a son origine dans la société  : par exemple les conditions de travail, l'évolution pathologique des institutions.

    Notre monde est ici déraisonnable, non sage, il est devenu fou  !

    De quoi  ?

        Du dysfonctionnement des institutions  ;

        de  l'aveuglement d'une évolution techno-scientifique irréversible et aveugle  ;

        du dérèglement économique  : chômage, précarité, burn-out, exacerbation des désirs (non naturels non nécessaires, comme dit Epicure)  ;

        d'une catastrophe écologique, suicidaire pour l'espèce (danger du nucléaire  militaire et civil ; pollution)...

    Si l'on définit la Santé mentale  comme un «  état de bien-être dans lequel l'individu réalise ses propres capacités, peut faire face aux tensions ordinaires de la vie, et est capable de contribuer à sa communauté  », les conditions de la santé mentale ne sont pas ou plus réunies.

    Notamment parce que les institutions dysfonctionnent  : le couple, la famille, l'école, l'entreprise etc. Exemples  :  le burn-out, la dépression (maladie de la modernité, d'un individu solitaire qui a perdu le lien social, la reconnaissanc...

    Pour l'anti psychiatrie, la psychiatrie est une institution non médicale, mais  politique, s’attachant à résoudre non pas les maux des patients qu’elle traite, mais les problèmes posés à la collectivité par le comportement de ces mêmes patients, au moyen de procédés coercitifs (internements, médicaments) contraires aux principes de l’État de droit. Elle vise essentiellement, comme la prison (voir les analyses de Foucault), à normaliser, avec l'alibi de protéger l'individu contre lui-même  : (automutilation, suicides...)  ; les autres de ses agressions éventuelles  ; et l'ordre public ( exhibition, tapage, destruction de biens publics).

    Il y a, par opposition aux nôtres, des sociétés où ceux que nous trouvons fous vivent au milieu des autres, sont tolérés.                                                                      Michel